KAWS - The Long Way Home - Show Review
Retour sur le show majeur de l’artiste américain KAWS à la galerie Honor Fraser de Los Angeles.
Il y a des signes qui ne trompent pas. Près de 10 ans après la légendaire exposition Street Market organisée à la galerie Deitch de New York, la street culture vient de vivre un nouveau tournant important dans la reconnaissance de ses artistes par le club fermé de l’art contemporain. En quelques mois, le natif du New Jersey Brian Donnelly - plus connu sous le nom de KAWS - vient en effet de donner une suite majeure à l’oeuvre que Barry McGee, Steve Powers et Todd James avaient entamé en octobre 2000 chez le célèbre galeriste New Yorkais.
Bien entendu, il ne s’agit pas d’atténuer la portée d’autres expositions tout aussi légendaires - Beautiful Losers en tête - mais d’ouvrir les yeux sur le caractère exceptionnel du dernier show de KAWS, The Long Way Home, en terme d’attente suscitée, d’engouement et de plébiscite généralisés, mais aussi en terme de diversité des visiteurs et des heureux acquéreurs.
Si vous suivez de près ou de loin les différentes "cotes" des artistes que l’on aime défendre ici, vous n’êtes pas sans savoir que l’effervescence exponentielle autour de KAWS depuis de nombreuses années est assez incroyable. Pour autant, celle-ci n’avait qu’une influence limitée au delà des frontières dites street. Car depuis 2002, l’artiste a pris beaucoup de temps, avant d’enfin revenir exposer son travail en galerie. Après tout, rien ne l’obligeait à se précipiter. Et aujourd’hui, tout tend à donner raison à cette patience maitrisée.
En quelques mois, son talent s’est enfin exprimé au déla de son studio de Brooklyn, pour s’afficher sur les murs des galeries d’Emmanuel Perrotin à Miami, de Gering & Lopez à New York, et surtout sur ceux d’Honor Fraser à Los Angeles le week end dernier, pour ce qui est à ce jour, son solo show le plus abouti, le plus complet et le plus impressionnant.
Enfin offert aux yeux de tous, et non plus uniquement à ceux de son cercle privé de collectionneurs (Nigo, Masamichi Katayama, Mark Parker, Pharrell Williams pour ne citer qu’eux), son travail peut enfin être reconnu, jugé, apprécié ou critiqué par une autre sphère d’influence, qui ne lui est pas forcément familiaire à la base.
Pari risqué, mais quasi obligatoire, pour franchir l’éternelle barrière qui sépare un "street artist" d’un "fine art artist" comme aiment le dire les américains. Ainsi, KAWS s’est offert un show complet, proposant dans un premier temps un lien majeur avec ce qui a fait sa gloire chez ses premiers fans. Ses personnages légendaires sont donc là, mais ils sont emportés par une certaine démesure : son Chum est ainsi présenté à la fois en statue géante en fibre de verre, mais aussi dans une série de bronzes tout en couleurs exécutés avec une finesse à faire pleurer ceux qui collectionnent ses oeuvres en vynil !
Dans une pièce entière dédiée au Kurfs - sa réinterpréation des Smurfs (schtroumpfs) - on prend un plaisir fou à observer le retour de ses mythiques Products Paintings, ses fameux canvas peints et packagés comme des toys sous blisters, devenus inoubliables depuis les précédents Kimpsons exposés à la Parco Gallery de Tokyo en 2001.
Pour autant, si les références au passé de l’artiste sont bel et bien là, elles laissent aussi la place à de nouvelles peintures, plus abstraites, plus riches en détails, moins faciles d’accès mais toujours aussi maitrisées techniquement, comme en témoigne son canvas Ruled Out, et son subtil travail des noirs.
On prend facilement goût à ce nouveau style, rempli de références obligeant à poser le regard de nombreuses fois sur chacune des pièces, ou à ses nouveaux personnages, qui pour une fois, n’ont ni croix sur les yeux, ni crossbones sur la tête, rappelant ainsi que Brian Donnelly est avant tout un formidable cartoonist.
Quelques jours après la folie provoquée par le vernissage (campements sauvages organisés plusieurs heures avant l’ouverture, centaines de personnes qui n’ont pas pu accéder à la galerie faute de capacité d’acceuil, bureau de la galeriste littéralement envahi de demandes pour acquérir les oeuvres alors que celles-ci étaient déjà pré-vendues), on peut légitimement se dire que quelque chose de majeur s’est produit à Los Angeles ce 21 Février 2009.
Selons les dires d’Honor Fraser qui exposait KAWS pour la première fois, jamais aucun de ses jeunes artites n’avait suscité une telle ferveur : elle avoue avoir reçu près de 600 demandes d’achat de pièces les jours précedents l’ouverture, sans que personne n’ait pu voir à quoi allaient ressembler les oeuvres exposées ! Plus déroutant encore, ces hordes de fans, venus avec des toys, des tshirts, des posters à faire signer, se mélangeant à la presse, aux happy fews et autres collectionneurs réguliers de la galerie. Du jamais vu, une nouvelle fois, et probablement plus distrayant qu’effrayant pour les habitués à la finale.
À l’image de son public très varié, le travail de KAWS s’est toujours situé au croisement de multiples univers, avec un fil rouge tissé dans l’imaginaire collectif. Pierre angulaire de la cuture street, artiste et entrepeneur à la fois, beaucoup sont ceux qui pensent qu’à l’image d’un Keith Haring ou autre Jeff Koons, il sera l’artiste majeur qui incarnera l’évolution du Pop Art dans les années à venir.
Un conseil, gardez précieusement vos Companions, Chums et autres Accomplices. Nous ne sommes qu’au début d’une longue histoire...
KAWS - The long way home
February 21, 2009 — April 04, 2009
Photos : Honor Fraser Gallery, La MJC.
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